

Sorties des paysages industriels du bassin stéphanois, la nationale 88 ou le train régional qui grimpe vers l’Auvergne en suivant le cours de la Loire débouchent sur la « principauté » du Puy-en-Velay : un plateau riant de plus de 20 000 habitants perché à 700 m d’altitude, entre les montagnes du Devès, du Meygal et du Mézenc.
A ceux que les petites villes de province supposées ennuyeuses rebutent, disons-le tout net : Le Puy-en-Velay fait exception. Exception historique, avec un riche passé de ville religieuse, incarné par sa cité épiscopale. Exception géologique, avec ses pitons de lave couronnés d’églises ou de statues. Exception culinaire, avec ses spécialités de bouche et un marché uniques, pavoisant les rues de la ville chaque samedi. Ajoutons-y un renouveau en termes d’accueil – enfin ! – illustré par un nouvel hôtel de charme et un restaurant étoilé Michelin.
La haute-ville est enveloppée depuis le Moyen Âge d’un halo religieux. Ce quartier épiscopal baigne dans le culte de Marie et du Chemin de Saint-Jacques. D’autres pèlerins viennent le 15 août pour la procession mariale, un afflux de fidèles qui accompagnent la statue de la Vierge noire à la cathédrale. La balade témoigne de l’aura catholique du quartier : bâtiments d’enseignement privé, congrégations religieuses, cloître, chapelles, églises, couvent, gites de pèlerins… Le décorum est pieux, jusqu’à l’immense statue Notre-Dame-de-France, perchée 132 m au dessus de la ville, sur le rocher Corneille. Heureusement, l’Hôtel-Dieu et la chapelle numérique Saint-Alexis dépoussièrent les codes ecclésiastiques. Nommé Compostella, le premier présente des spectacles sons et lumière immersifs. La seconde abrite un show interactif, « Terre de Géants ».
C’est dans ce quartier appartenant au diocèse et à des religieux que Gilles Devie et Sandrine Boudignon, propriétaires d’une partie de l’hôtel des Prévôts (14ème s., lieu d’accueil au 18ème s. d’une congrégation de sœurs), ont aménagé en 2002 deux chambres d’hôtes de grand charme, « Les Cimes du Puy-en-Velay ». Cimes car leur petite terrasse sommitale ouvre une vue splendide sur les toits de la ville et en fait les habitants les plus hauts perchés du Puy-en-Velay ! Avec ses tommettes au sol, la salle du petit-déjeuner se trouve dans l’ancien dortoir des novices. « Nous recevons beaucoup de gens passionnés d’Histoire et de cathédrales », précise Gilles Devie. Comme un symbole, les fenêtres du salon s’ouvrent sur les deux clochers aux tuiles vernissées de l’église Saint-Georges.
Les rues en pente aux belles façades qui mènent vers la ville basse (rues des Tables, Raphaël, Chênebouterie…) font passer devant le restaurant Chamarlenc. Voilà la nouvelle table en vue du Puy-en-Velay, récompensée d’une étoile Michelin en 2024… un an seulement après l’ouverture ! Un succès pour Yoan Delorme, jeune chef de 27 ans venu d’Avignon d’où il a « ramené un peu de Méditerranée dans le Velay », dit-il. Jusqu’à proposer des lentilles à la bouillabaisse, raccourci savoureux de cette « cuisine fusion ». Avec sa compagne Cellia Baudelier en salle, il joue la carte des produits locaux pour « une cuisine simple, authentique et gourmande », poursuit-il. Le ticket moyen est à 125 € et mieux vaut réserver 2 mois et demi avant pour être sûr d’avoir une table !
On peut aussi manger sur le pouce, en particulier le samedi. Pratique devenue rare en France, le marché hebdomadaire prend possession de la plupart des places et des rues du centre-ville. On y décèle un air du Sud, avec l’animation bon enfant, les étals conviviaux, les boutiques achalandées, les terrasses bondées, sur fond de façades colorées (places du Plot, du Clauzel, du Martouret). Si l’accent méridional est absent, les produits locaux, eux, sont bien là. La célèbre lentille verte du Puy s’achète obligatoirement chez Sabarot, rue Courrerie. Fondée en 1819, l’entreprise spécialisée en légumes secs et conserves appartient toujours à la même famille, qui se fournit auprès d’une myriade de producteurs locaux.
Place du Plot, on ira choisir son fromage aux Artisons, une « tomme » ronde de vache au lait entier et cru sur la croûte duquel se développent les artisons, des acariens. « Les miens sont affinés deux mois en cave », encourage Geneviève Boyer, productrice à Vernassal, commune rurale située à une vingtaine de km du Puy-en-Velay. Une quinzaine de producteurs vendent ce fromage sur cette place. Certains œuvrent pour qu’il obtienne une Appellation d’Origine Contrôlée.
Le fin gras du Mézenc (viande bovine) est aussi une spécialité du territoire. On pourra l’acheter dans l’une des nombreuses boucheries de la ville. Car c’est ainsi au Puy-en-Velay : le petit commerce reste vivant, comme le prouvent notamment les boutiques de la rue Pannessac. Un point rassurant sur la capacité de certaines villes à résister à la concurrence des centres commerciaux. Après un apéritif de fin de marché à prendre sur la terrasse d’un des bars de la place de la Halle, on ira se poser pour déjeuner Au Comptoir des Saveurs (av. Foch), à la toujours très animée brasserie-pub La Distillerie, au Vellavi (rue des Tanneries) ou au Cintra, le bistrot-bar-lounge du tout nouveau hôtel Le Regina.
Voilà l’hôtel de charme qui manquait à la ville. Dans cet immeuble d’angle à rotonde, construit en 1924, 40 chambres et suites tout confort ont été aménagées dans les cinq niveaux de la bâtisse (mention particulière aux trois suites Regina de la rotonde). Ouvert fin 2024 après de lourds travaux, l’hôtel compte deux autres restaurants (La Terrasse et La Table 1924, ce dernier plus « gastro »), une salle de fitness et une salle de soins avec sauna.
Pour compléter la découverte de la ville, on ira visiter le musée Crozatier. Accessible à pied depuis la grande place du Breuil et l’agréable jardin Henri Vinay, ce musée présente sous une bâtisse 19ème s. et une extension design des collections de Beaux-Arts, d’égyptologie et de sciences. A voir : la plus ancienne peinture sur toile conservée en France (1410) ; « Vercingétorix devant César », tableau majeur de Lionel Royer (1899), reproduit dans la plupart des manuels scolaires français ; et un tableau de Delacroix, « La Chasse au tigre », en prêt exceptionnel jusqu’au 13 juillet. Une exposition sur le « Japon, archipel des arts », est aussi proposée du 21 juin 2025 au 4 janvier 2026. Une autre exposition, permanente, sur la dentelle, rappelle que Le Puy-en-Velay est aussi l’héritière de cette tradition… comme Dinant !
Le rocher Saint-Michel est aussi à voir absolument. Comme le rocher Corneille et sa statue Notre-Dame-de-France, ce piton volcanique est vertigineux en ce sens qu’il abrite à son sommet quasi « inaccessible » (il faut grimper 268 marches taillées dans le roc !), un sanctuaire qui remonte à l’an 950 et prend des airs de chapelle paléochrétienne. Plus terre à terre (mais pouvant aussi faire tourner la tête !) sera la visite de la distillerie Pagès. A 8 km de la ville, on produit ici depuis des lustres l’excellence liqueur de verveine du Velay (la plante est récoltée dans le jardin adjacent), vieillie en futs et foudres. Un ultime souvenir à ramener de cette cité qui n’est pas qu’une dévote chrétienne conservatrice.
Le Puy-en-Velay Tourisme. lepuyenvelay-tourisme.fr