Floriade 2022 : la capitale du vivre au vert en ville

Christiane Goor,
30-05-2022
Tous les 10 ans, une ville des Pays-Bas sert de décor à une exposition horticole mondiale qui porte le nom de Floriade. La septième édition a lieu cette année à Almere, à une trentaine de kilomètres d’Amsterdam. Inaugurée le 14 avril, elle fermera ses portes le 9 octobre et propose à tout un chacun de découvrir les solutions créatives et écologiques qui peuvent rendre nos villes plus durables et agréables à vivre.

Growing Green Cities

Tel est le thème ambitieux autour duquel quelque 400 participants nationaux et internationaux exposent leurs idées pour verdir nos villes, les aider à atteindre un approvisionnement alimentaire autonome, à offrir des espaces favorables à notre santé sans oublier les solutions pour capter de l’énergie qui permettent également plus d’autonomie. Vaste projet d’autant plus pertinent quand on sait que 68% de la population mondiale vivra en ville en 2050!

Le « Poumon vert » du site, la Hogeschool AERES Charles Mahaux

Les 60 ha de terrain sur lesquels s’étire le parc de la Floriade se situe au bord du Weerwater, juste en face de la ville d’Almere dont la silhouette semble insolite quand on la découvre depuis l’impressionnant Look-Out en forme d’oeil entièrement tressé avec des branches de saule par Will Beckers, cet artiste environnemental connu pour ses œuvres inspirées par le dialogue entre la culture et la nature. Toute cette terre établie sur le Flevoland, une jeune province née de la poldérisation de l’ancienne Zuiderzee, a été gagnée sur la mer et on ne s’étonne pas que les Hollandais soient à la pointe de l’innovation en matière d’aménagement de nouvelles villes.

La statue The Beehold en face de la tour Flores Charles Mahaux

Le symbole de la Floriade est sans aucun doute cette composition en acier corten de Florentijn Hofman qui présente deux figurines géantes recouvertes de milliers d’abeilles butineuses, symboles de la pollinisation qui permet d’assurer une biodiversité essentielle à notre écosystème. Peut-être que ces deux personnages ne nous font pas signe de la main mais essaient d’attirer notre attention ?

Comment nourrir la ville ?

La Green House, une serre d’un hectare de superficie, est la vitrine du savoir-faire hollandais en matière de fruits, de légumes et de plantes ornementales. On y découvre entre autres les avantages de l’agriculture verticale qui superpose des étages de culture dans des espaces fermés, particulièrement adaptée aux herbes aromatiques et aux légumes à feuilles qui ne poussent pas trop haut. L’agriculture verticale nécessite moins d’eau dans la mesure où il y a moins d’évaporation que dans l’agriculture traditionnelle et l’eau peut y être facilement recyclée, ce qui est un plus.

Green House Charles Mahaux

L’agroforesterie à découvrir sur la Green Island désigne un mode d’exploitation de terres agricoles associant des arbres comestibles et des cultures sur une même parcelle. Ou comment mieux utiliser la terre en assurant une diversité biologique et en créant grâce aux arbustes ou même des arbres un microclimat favorable à l’augmentation des rendements. Nous verrons ainsi des fraisiers et des plantes médicinales sous les amandiers ou encore de l’ail des ours et autres oignons au pied des groseilliers.

Comment gagner de l’énergie et augmenter la durabilité des éléments ?

Un édifice créé par et pour l’école supérieure Aeres Hogeschool mérite bien son nom de « poumon vert » avec sa façade en torchis végétalisée qui respire et régule l’humidification du bâtiment. Elle abrite aussi de nombreux nids à insectes. Dans le jardin présenté par l’Allemagne, le pavillon en bois est pourvu de façades vertes mais aussi d’un toit avec des jardins suspendus et des panneaux solaires. Quant au Growing Pavilion, il est construit avec 90% de matériaux biosourcés comme le bois, le chanvre, le mycélium, le jonc et le coton.

Vue aérienne sur une partie du site Charles Mahaux

Le terrain choisi pour établir le parc de la Floriade comptait déjà 3000 arbres, on en a ajouté 3000 autres ainsi que quelque 90000 arbustes sans oublier un million de bulbes, de quoi créer un arboretum qui a tout d’une gigantesque bibliothèque d’arbres, de plantes et de fleurs, le moteur vert de cette exposition que ne boudent pas les abeilles, papillons et autres insectes qui butinent d’une fleur à l’autre. De quoi rafraîchir l’atmosphère mais aussi drainer les eaux de pluie et éviter des inondations. Pour que la terre conserve son humidité et se prémunisse des insectes nuisibles, plusieurs sentiers ont été réalisés avec des noyaux de pêche écrasés et des résidus de coques de noisettes.

Une vingtaine de pavillons étrangers dont le Belgian Garden

Les participants étrangers viennent eux aussi avec leurs idées, leurs suggestions, leurs solutions pour rendre nos villes plus agréables. On a apprécié le pavillon du Qatar qui a créé son espace comme un « nid du désert », à savoir un pigeonnier traditionnel, construit avec des matériaux qui reviendront à la nature à la fin de l’exposition. Plus intéressant encore, le pavillon des Emirats Arabes Unis intitulé « Villes d’eau salée » montre comment ils ont surmonté grâce à des systèmes d’agriculture biosaline circulaire l’environnement difficile du désert et de la mer pour créer des villes prospères et durables.

Le jardin chinois

Le China Bamboo Garden offre sur un espace de 42000 m2 un jardin chinois fleuri et cerné de constructions artistiques en bambou mettant l’accent sur l’harmonie et la beauté comme étant essentiels au bien-être des villes de demain. La participation importante de la Chine s’explique aussi par la célébration du 50ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques avec les Pays-Bas.

Le jardin régénératif belge tout en triangles @ Charles Mahaux

Quant au pavillon belge installé au bord de l’eau, il a été conçu par Nicolas Godelet, un architecte namurois qui a remporté le concours lancé par la Belgique auprès des architectes et paysagistes pour la participation à la Floriade 2022. Il présente un espace de détente qui raconte la Belgique dans toute sa complexité simplifiée ici par des formes triangulaires. Notre pays se présente naturellement sous la forme d’un triangle dans lequel vivent 3 communautés qui s’expriment dans 3 langues différentes. On peut d’ailleurs s’amuser à chercher les innombrables références au triangle. L’important est ailleurs, dans cette architecture pensée pour minimiser son impact environnemental car chaque matériau est complètement réutilisable ou dégradable. Ni béton, ni ciment, ni polystyrène. Du bois, de la terre, du chanvre, autant d’éléments qui seront dissous ou recyclés à la fin de l’exposition. Le jardin abrite quelque 160 espèces qui viennent de Belgique et qui vont évoluer au fil de l’année et de nombreuses plantes seront comestibles !

L’après Floriade ?

Si tous les pavillons sont appelés à disparaître, ce ne sera pas le cas pour le « Poumon vert » de la Aeres  Hogeschool, ni pour l’édifice Flores appelé à devenir un immeuble résidentiel, ni sans doute pour certains espaces de restauration. L’arboretum subsistera évidemment tout comme les sentiers destinés à devenir les aires piétonnes du domaine et de même le téléphérique urbain remplacera les véhicules motorisés pour traverser le site d’un bout à l’autre. Il faudra sans doute revenir l’été prochain pour découvrir ce nouveau district de Almere qui fait déjà rêver les habitants….