Par Joëlle Strauss, violoniste, chanteuse et conférencière, elle obtient ses diplômes des Conservatoires royaux de Mons et de Bruxelles. Après une formation classique de haut niveau, son intérêt pour le violon la pousse à se perfectionner dans d’autres styles, tzigane, klezmer, jazz, oriental, latino–américain auprès des plus grands maîtres.
Majesté des cieux andins, le condor règne en maître sur les hauteurs vertigineuses de la plus longue chaîne de montagnes du monde.
Symbole de liberté et de puissance, il incarne l’équilibre entre la terre et le ciel, reliant les hommes aux divinités. Dans la pensée inca, le condor était l’intercesseur entre les mondes : le Hanan Pacha, royaume des dieux et des esprits bienveillants, le Kay Pacha, monde terrestre des vivants, et l’Ukhu Pacha, univers souterrain, associé aux ancêtres, à la sagesse. Sa silhouette planant au-dessus des sommets et des vallées incarne encore aujourd’hui le souffle spirituel des Andes.
La musique, tout comme le condor, jouait un rôle essentiel dans la civilisation inca. Considérée comme un langage sacré, elle reliait les
mondes et permettait d’entrer en contact avec les divinités. Chaque instrument, quena, charango, siku… possédait une âme, et ses sonorités servaient d’offrande : prières pour la pluie, remerciements pour les récoltes, célébrations des cycles de la vie et des paysages majestueux des Andes.
Mais le Pérou est aussi une terre de rencontres. À Arequipa, ville nichée entre volcans et vallées, les traditions andines se sont mêlées aux
formes musicales européennes. Les mélodies mélancoliques des yaravíes dialoguent avec la mazurka et la valse importées par les colons, créant un répertoire unique où se reflète l’histoire métissée de la ville et du pays.
Sur la côte pacifique, un autre héritage s’est enraciné : celui des populations africaines arrivées par la traite esclavagiste. Leurs rythmes
et leur énergie ont donné naissance à une musique singulière, métissant influences africaines, espagnoles et indigènes. Le festejo et le landó, genres emblématiques de la musique afro-péruvienne, témoignent de cette force créative qui continue de résonner dans des quartiers populaires comme Chorrillos, patrie de la grande chanteuse Susana Baca.
Enfin, de cette mosaïque d’influences est née l’une des musiques les plus emblématiques du Pérou : la valse créole, ou vals criollo. Inspirée de la valse européenne, elle s’est transformée au contact des réalités locales pour devenir la voix de Lima et, peu à peu, un symbole de l’identité nationale. Ses paroles racontent les histoires des quartiers, des amours et des luttes quotidiennes, tout en célébrant la diversité culturelle
du pays.
Ainsi, du vol du condor aux rives de l’océan, des instruments sacrés andins aux rythmes afro-péruviens, du yaraví mélancolique à la valse, la musique péruvienne nous raconte l’histoire d’un peuple et d’un métissage unique, où chaque note est à la fois mémoire et célébration