Nous avons visiter Keukenhof, le printemps de l’Europe

Christiane Goor,
19-04-2022
Le parc floral de Keukenhof a enfin pu rouvrir ses portes le 26 mars dernier après 3 ans de fermeture pour raison de pandémie due au coronavirus. Seuls les jardiniers ont continué à y travailler pour préserver la beauté des lieux et préparer cette nouvelle saison. Le résultat est là, c’est le lieu idéal pour célébrer le retour du printemps. A découvrir jusqu’au 15 mai !

Un tapis de millions de fleurs printanières

A peine le portail franchi, le parfum devient enivrant. Quelques pas suffisent pour embrasser du regard un panorama multicolore, unique parce qu’éphémère. En face, à gauche, à droite, le spectacle est grandiose. Les allées dessinent des perspectives matérialisées par des alignements d’arbres plus que centenaires et, surtout, par des parterres couverts de fleurs. Nous sommes à Keukenhof, un domaine de 32 hectares déroulant chaque année pendant huit semaines un tapis de millions de fleurs. Ici aux Pays-Bas, le plat pays s’est forgé une réputation internationale grâce aux bulbes, exportés dans le monde entier, principalement aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne.

La tulipe, originaire du Caucase

Chez nos voisins du Nord, c’est la tulipe qui règne en maître depuis son introduction en 1593 au pied des moulins à vent. En effet, cette fleur déclinée en une multitude de tons n’est pas originaire des Pays-Bas, elle provient d’une région montagneuse du Caucase qui faisait alors partie de l’empire ottoman. C’est un botaniste, Charles de Lécluse, originaire d’Arras et engagé à Leiden, qui y planta en 1593 le premier bulbe de tulipe des Pays-Bas à partir d’une poignée d’oignons volés à la cour du sultan Soliman le Magnifique par un ambassadeur autrichien qui les lui céda. Il acclimata si bien cette fleur que quelque 50 ans plus tard, on compte déjà 650 variétés de tulipes et ce foisonnement de couleurs et de formes provoque un tel engouement que l’on peut parler de « tulipomania ». Vases et jardins s’adaptent, les polders gagnés sur la mer offrent un terrain de choix et bulbes et oignons s’exportent avec un label d’origine … hollandaise.

Keukenhof, la vitrine d’un savoir-faire incontestable

 Aujourd’hui encore, c’est une des richesses et des fiertés de nos voisins du Nord. Elle fait partie des clichés, à l’instar des sabots ou du fromage. Les bataves sont devenus les plus grands producteurs de fleurs à bulbes avec 20.000 hectares de champs. La tulipe, mais aussi les lys, les glaïeuls, les narcisses ou encore les jacinthes colorent certaines campagnes. Une centaine d’entreprises auréolées de l’appellation enviée “Fournisseurs de la Cour” livrent leurs bulbes qui sont plantés par millions entre la fin septembre et les premières gelées, de manière à offrir un spectacle haut en couleurs de mars à mai.

Pour rendre encore plus féérique ce magnifique parc arboré, les dizaines de jardiniers recourent à la technique de plantation en étages. En pratique, les bulbes sont plantés les uns au-dessus des autres : les tulipes tardives sont placées le plus en profondeur, sous les tulipes précoces et les crocus. De quoi renouveler les parterres qui jalonnent la promenade dans ce site historique.

Keukenhof ou la Cour des Cuisines

Les vestiges du château Teyligen sont ainsi encore visibles. Ce domaine a appartenu à la Comtesse de Hollande, Jacoba van Beieren, de 1401 à 1436. C’est ici qu’elle chassait et recueillait des fruits, des légumes et des fines herbes pour les cuisines du château, raison pour laquelle, dit-on, le nom de Keukenhof (littéralement La Cour des Cuisines) s’est imposé. Sur place, on vous explique que les fondements du parc actuel remontent à 1840 et portent la griffe des architectes paysagistes concepteurs du célèbre parc Vondel à Amsterdam. C’est au maire de Lisse, la bourgade toute proche qu’est revenue l’initiative de lancer ce jardin d’agrément en 1949 avec la collaboration de professionnels de l’horticulture. Depuis lors, le succès ne se dément pas : Keukenhof accueille bon an mal an 1,5 millions de visiteurs du monde entier, parmi lesquels de nombreux Belges. Et plus de 18 sortes d’oiseaux migrateurs…

Un parc soigneusement entretenu

 En bordure de pièces d’eau appréciées par les cygnes et les canards ou au sommet de petites buttes, la vision de ces fleurs ne lasse pas, d’autant que le cadre naturel se modifie sans cesse au fil de la promenade. Les arbres le plus souvent majestueux modifient ainsi les perspectives et créent des ambiances diversifiées. Centenaires ou non, ils sont l’objet de toutes les attentions : tous les 5 ans, un avion survole le parc pour les photographier suivant la technique de l’infrarouge, de façon à s’assurer qu’ils sont encore tous sains.  Le gazon vert vif – plus de 6.500 kilos de graines d’herbe sont semés annuellement ! – contribue à donner plus d’éclat à la toile de fond.

Au gré des sentiers, des jardins à thème

Ici, dans le Jardin naturel, bulbes et plantes vivaces sont revenues à l’état sauvage. Là, dans le Jardin de la musique, on se laisse bercer par les mélodies. Plus loin, dans le Jardin historique, le franchissement des portes en bois marque une remontée vers le Moyen Age. A l’abri des murs, les fines herbes particulières rappellent l’époque de l’ancienne maîtresse des lieux, Jacoba van Beieren. Plus récent, le Jardin japonais, situé aux environs du moulin qui offre un magnifique panorama depuis sa terrasse, symbolise des liens vieux de 400 ans entre le Japon et les Pays-Bas.

Art et horticulture. Plusieurs pavillons

 Il existe même un itinéraire de statues ainsi que des expositions de photos et de peintures dans différents pavillons. Le domaine abrite en effet sur ses terres plusieurs espaces couverts particulièrement appréciés lors des jours de pluie. Ces pavillons mettent en valeur, entre autres, des expositions de fleurs coupées ou sont dédiées à des essences particulières comme les orchidées, les bambous ou encore les lys.

Avec un tel menu, une journée de visite paraît finalement bien courte. Pourtant, il serait dommage de mettre directement le cap sur la Belgique. A peine sorti du domaine, en empruntant les petites routes des campagnes avoisinantes, les champs de fleurs foisonnent. Plus vrais que nature évidemment. Les bandes de différentes couleurs alternent pour le plus grand plaisir des yeux. Quelle beauté !

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