

Le 30 septembre 1895, les couleurs françaises flottent sur la terrasse du Palais de la Reine à Antananarivo. Aboutissement provisoire d’une expédition de conquête qui avait débarqué à Mahajanga, à l’ouest, l’année précédente. La reine Ranavalona III, qui mourra en exil au Maroc, sera la dernière d’une longue lignée née au centre d’un pays longtemps divisé en royautés locales, selon les ethnies réparties sur tout le territoire de l’île – dite la Grande Ile ou l’Ile rouge en référence à la couleur de la latérite.
Le palais de la Reine, qui existe toujours sur les hauteurs d’Antananarivo, était au départ un rova (place forte en malgache) parmi d’autres, installé là par le roi Andrianjaka au XVIIe siècle. Andriamponimerina, au siècle suivant, en fit la résidence principale de la dynastie merina à laquelle il appartenait. Il est devenu « Palais de la Reine » en raison de la succession presque ininterrompue de quatre femmes à la tête de l’Etat de 1828 à la colonisation : les trois Ranavalona et Rasoherina (un seul homme, Radama II, a régné pendant deux ans).
C’est sous leur impulsion que le palais a pris la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, d’abord en bois avec la contribution du Français Jean Laborde, puis en pierre sous la direction du Britannique James Cameron.
Détruit par un incendie en 1995, le Palais de la Reine a été reconstruit en plusieurs étapes, et pour partie en béton. Ses portes sont à nouveau ouvertes au public. Dans son enceinte, on trouve aussi des tombeaux royaux, un temple et un colisée dont la présence est contestée par les défenseurs des traditions.
Gallieni, gouverneur de la colonie française de 1896 à 1905, mène de front et avec la même fermeté la construction d’infrastructures et la répression de toute rébellion. À Madagascar, on se souvient davantage de sa brutalité que de son souci de civiliser le pays…
Il y aura, sous le régime colonial, diverses tentatives de contester le pouvoir français, les plus marquantes en 1915 et en 1947, la seconde en particulier matée dans le sang. La visite récente d’Emmanuel Macron à Madagascar a débouché, entre autres choses, sur la décision de constituer un comité d’historiens pour faire la lumière sur ces derniers événements dont certains aspects ne font pas l’unanimité.
Comme on sait, les mouvements indépendantistes sont une vague puissante qui débouche, le 26 juin (devenu jour de la Fête de l’Indépendance) 1960, sur la Première République présidée par Philibert Tsiranana, resté proche de la France, jusqu’à sa chute en 1972 après de violentes manifestations.
Depuis, les périodes d’élections relativement démocratiques alternent avec des prises de pouvoir plus musclées suite à des émeutes. En 1991, Albert Zafy succède à Didier Ratsiraka après une Convention nationale qui a calmé le jeu. En 2002, Marc Ravalomanana prend le pouvoir après six mois de crise post-électorale. Et il est lui-même évincé en 2009 par l’actuel président, Andry Rajoelina, après pillages et massacres.
Pas de tout repos, l’histoire politique de Madagascar… Suite au prochain épisode.
Pierre Maury
Pierre Maury réside à Madagascar depuis 1997. Il est toujours journaliste au SOIR en tant que chroniqueur littéraire. En plus de son travail journalistique, il a fondé en 2006 la maison d’édition « Bibliothèque malgache », dédiée à la réédition de textes libres de droits et à la publication d’œuvres contemporaines malgaches.