Rwanda : entre collines verdoyantes et trésors cachés pour visiteurs privilégiés

Philippe Bourget,
12-07-2024
Derrière l’image de ses gorilles de montagnes, attraction principale de la destination, le pays s’est lancé dans une stratégie d’accueil touristique haut de gamme.

Il offre ainsi à des visiteurs privilégiés la singularité de ses paysages de collines, la richesse de ses cultures agricoles et l’amabilité de sa population, incitée, 30 ans après le génocide des Tutsis, à la réconciliation. Un voyage dans l’Histoire et la grande nature. Voyez plutôt.

Gorille(s) dans le Parc national des volcans, une rencontre inoubliable. © Philippe Bourget ©

Parc des Volcans, rencontre choc avec les gorilles

Après deux heures d’ascension fatigante dans la roche volcanique et la végétation, nous tombons nez à nez avec eux, à 3 000 m d’altitude : les gorilles des montagnes ! Dans l’herbe drue, une famille est réunie autour du mâle, un « dos argenté » de 22 ans, de plus de 200 kg, affalé comme un seigneur. Impossible de ne pas éprouver un choc à la vue de ces géants des forêts, placides, sûrs de leur force, et si humains.

Le guide nous avait prévenus : on ne doit pas les regarder dans les yeux s’ils s’approchent, il faut s’accroupir en cas de face à face et faire un bruit de gorge singulier pour montrer que l’on est venu en ami… Ces rois de la jungle ne sont pas craintifs – pourraient-ils l’être, d’ailleurs, au vu de leur vitalité suprême ? Nous sommes à moins de trois mètres d’eux, fascinés.

© Philippe Bourget

La rencontre avec les gorilles est le nec plus ultra d’un voyage au Rwanda. Le « pays des mille collines », au relief tourmenté et forestier, est aussi doté de vraies montagnes. Parmi les plus hautes, à plus de 3 700 m d’altitude, il y a le volcan en sommeil Visoke. C’est là, sur les pentes de ce cône frontalier avec la République Démocratique du Congo (RDC) que vivent les quelques 1 000 gorilles des montages recensés au Rwanda, en RDC et en Ouganda.

Culture vivrière sur les pentes du volcan Visoke © Philippe Bourget ©

Avant que la primatologue américaine Dian Fossey ne vienne dans les années 1960-1980 étudier et défendre bec et ongles ces primates, jusqu’à s’opposer aux communautés locales et être assassinée en 1985 dans des circonstances jamais élucidées, il n’y avait que 250 gorilles. « Or noir » du Rwanda, ils sont désormais protégés avec pugnacité… et réservés à une minorité de riches, seuls à pouvoir s’offrir l’incroyable droit d’entrée du Parc national des volcans : 1 500 US$ le ticket ! A ce prix, l’émotion indélébile de voir ces animaux est hélas réservée à ceux qui en ont les moyens.

Hôtel One & Only Gorilla’s Nest, quel luxe… © Philippe Bourget ©

Plus accessible, on peut voir aussi, moyennant un droit d’entrée raisonnable, les singes dorés (100 US$), ainsi que la tombe de Dian Fossey (75 US$), inhumée dans la forêt tropicale auprès de ses chers primates.

Les célèbres collines rwandaises, entre Nyanza et le Parc national de Nyungwe. © Philippe Bourget ©

Parc national de Nyungwe, chimpanzés et sources du Nil

Au sud-ouest du Rwanda, le parc national de Nyungwe, créé en 2005 et inscrit à l’Unesco depuis 2023, est l’autre grand territoire naturel de référence. Sur 1 019 km², il abrite près de 500 chimpanzés et une nuée de singes colobes estimée à plus de 500 individus. Voir ces derniers traverser la route juste avant l’entrée du parc, telle une marée blanche et noire guidée par un instinct grégaire insondable, restera à jamais pour l’auteur de ces lignes un moment marquant du voyage. Les colobes sont l’une des 13 espèces de singes comptabilisées dans le parc. Celui-ci est aussi réputé pour être une des sources lointaines du Nil. Dans cette forêt pluvieuse, les eaux ruissellent vers des rivières qui en alimentent d’autres, plus importantes. Toutes convergent vers le lac Victoria, source officielle du Nil Blanc.

Singes colobes, dans le sud du Rwanda © Philippe Bourget ©

Hors la traque des chimpanzés, organisée très tôt chaque matin en compagnie d’un guide qui accompagne un groupe de huit visiteurs maximum (le permis de visite, incluant l’entrée du parc et le guide, coûte 240 US$ par personne), Nyungwe, l’un des parcs les mieux aménagés pour le tourisme, promet d’autres surprises. Une marche en forêt d’environ 1h30 conduit ainsi jusqu’à un pont suspendu au milieu de la canopée (100 US $ l’entrée du parc + 40 US $ par personne).

Pont suspendu dans la forêt du Parc national de Nyungwe © Philippe Bourget ©

Sensibles au vertige, s’abstenir ! Ce sera l’occasion de découvrir les igishigishigi, ces fougères arborescentes immenses dont certaines souches sont âgées de plusieurs centaines d’années. Le parc prévoit d’inaugurer fin 2024 une zipline d’environ 2 km et un écolodge de 20 chambres. Il offre aussi la possibilité d’admirer, au cours d’une balade de 2h, la spectaculaire cascade Ndambarare (115 US$) et d’effectuer des sorties de birdwatching. Autre option : effectuer un trek de trois jours, avec hébergement en cabane forestière, pour 450 US$ par personne tout compris. Un forfait pour le coup plus abordable.

La terrasse de l’hôtel One & Only Nyungwe House © Philippe Bourget ©

Géré par African Parks, ONG internationale spécialisée dans le management de parcs nationaux et d’aires protégées en Afrique, Nyungwe a reçu près de 23 000 visiteurs en 2023. Parmi eux, on trouve surtout des Rwandais (qui payent un prix beaucoup plus modique), des Américains, des Belges et des Allemands.

Au bord du lac Kivu, les pêcheurs travaillent toujours par trois barques pour pouvoir tendre un grand filet entre elles © Philippe Bourget ©

Le lac Kivu et ses « bateaux-araignées »

Toujours à l’ouest, le lac Kivu est le troisième point fort du pays. A la frontière avec la République Démocratique du Congo – des tensions existent entre les deux pays, en raison du soutien supposé du Rwanda à un groupe armé rebelle au Congo, le M23 -, cette étendue d’eau, l’une des dix plus grandes d’Afrique, s’apparente à une « Riviera du continent noir ».

L’impression est confirmée par la présence de plusieurs villas fastueuses avec piscine, dominant les rives boisées de pins et d’eucalyptus qui dégringolent vers le lac. Depuis le Cleo Lake Kivu Hotel (18 chambres), un des hébergements de luxe dont le pays s’est doté pour loger ses touristes Premium, la vue sur la côte et les îles est absolument idyllique. Tôt le matin, on peut voir et entendre les pêcheurs, chantant et sifflant en cadence, rentrer sur leurs curieuses embarcations, trois barques longues et étroites liées par des pieux en bois afin de pouvoir étendre un large filet entre elles.

Hôtel en construction au bord du lac Kivu © Philippe Bourget ©

A la mesure de leur archaïsme, ces « araignées lacustres », équipées à la proue et à la poupe de longues perches pour aider à remonter les filets, sont d’un esthétisme incroyable. En lien avec les hôtels locaux, des prestataires proposent aux touristes d’embarquer à la nuit tombée avec les pêcheurs. Une excursion d’un autre temps à la lumière de lampes à pétrole, pour partager le quotidien de ces hommes qui traquent inlassablement les sambazas (petite friture), spécialité du lac.

Embarcation de pêche au soleil couchant © Philippe Bourget ©

On peut aussi louer des kayaks pour se faufiler entre les îles, comme celles du Chapeau de Napoléon ou aux Singes, près de la ville de Karongi. Jadis, les éleveurs faisaient traverser les chenaux entre deux îles à leurs bovins à la nage, quand le pâturage de l’une était épuisé. Ce « spectacle » est encore organisé pour les touristes. On peut enfin se baigner dans le lac Kivu. Mais prudence. Profond jusqu’à 480 m, il émane de ses abysses du gaz méthane toxique. Il est d’ailleurs récupéré de façon industrielle pour produire de l’électricité et alimenter une partie de la population rwandaise.

Vendeuse sur le marché de Kimironko, à Kigali © cms ©

Kigali, capitale barnum

Passer d’un parc à l’autre amène à sillonner le pays tout entier. On découvre ainsi une nation de collines à plus de 1 000 m d’altitude, des villages ultra peuplés, des champs de manioc, de riz, de bananiers, de thé ou de café. Au bord des routes, des enfants en uniforme scolaire, des femmes portant des feuilles de manioc sur la tête, des vélos chargés de sacs ou de bois poussés à bout de bras par des hommes… Un pays à forte énergie humaine, où l’on gagne encore sa vie à la sueur de son corps.

Cette déambulation routière mène nécessairement à Kigali, la capitale. Impossible de s’y retrouver dans son capharnaüm de quartiers intriqués, grimpant à l’assaut de collines. Pas de centre, ou plutôt si, des centres : celui de la gare routière, barnum humain et motorisé (les motos sont reines), bruyant et pollué ; celui de l’hôtel de ville, plus policé, tendance shopping et business. Cette capitale d’environ 1,5 million d’habitants, située au centre du pays, est propre. Ses rues sont bien goudronnées. Parmi les sites à voir absolument, il y a évidement le mémorial du génocide, rappel de ce drame absolu qui a vu la mort de plus 800 000 Tutsis, massacrés par les Hutus en 1994.

Le mémorial du génocide à Kigali © cms ©

Kigali offre aussi, ici et là, un beau vernis lifestyle. On croisera ainsi le chemin de quelques designers ou animateurs de la vie sociale : le Nyamirambo Women’s Center, coopérative d’intégration par le travail de femmes analphabètes ; le Nyo Arts Center, galerie d’art la plus en vue du pays ; le show room de Rwanda Clothing, boutique de déco, meubles et vêtements de la créatrice Joselyne Umutoniwase ; Uzuri K&Y, magasin d’un duo de chausseurs stylistes. Ils sont les ambassadeurs d’un pays qui, des gorilles aux artistes, font du Rwanda une destination « must do »… à condition d’en avoir les ressources.

Pacifique Niyonsenga, artiste-peintre et musicien dans sa galerie Nyo Arts Center © cms ©

 

INFOS PRATIQUES

Y aller

Vols avec escale à Paris CDG vers Kigali depuis Bruxelles, 3 fois par semaine, avec Rwandair. Environ 9h15 de vol. Personnel prévenant. Classe Business de 30 sièges. Pas de WiFi à bord. rwandair.com

Formalités et infos

Passeport valide. Aucune vaccination exigée. Pas de décalage horaire avec la Belgique. Monnaie : le franc rwandais (RWF). 1€ = 1 403 RWF. Climat : la meilleure saison pour s’y rendre court de juin à septembre (saison sèche).

Visiter

Mieux vaut passer par un voyagiste pour réserver les entrées et les visites dans les parcs, ainsi que les véhicules avec chauffeurs et les excursions.

Hébergements

– Kigali Serena Hotel : un établissement tout confort au cœur de la capitale. serenahotels.com/kigali

– Kivu Cleo Hotel : à Karongi, ce très bel hôtel haut de gamme domine superbement le lac Kivu. Confort et calme assurés. cleohotel.rw

– Five Volcanoes Boutique Hotel : on a aimé le cadre végétal de ce lieu situé aux abords du parc national des Volcans, idéalement placé pour aller voir les gorilles. Charme et atmosphère tropicale. fivevolcanoesrwanda.com

Plus d’infos

visitrwanda.com/tourisme