Les deux poètes ont marqué la région de leur histoire. Côté Ardennes françaises, plusieurs lieux évoquent leur mémoire, au point qu’une route rappelle leur parcours et rencontres.
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Peu le savent mais une part de la vie des deux poètes s’est déroulée dans les Ardennes. Arthur Rimbaud est né à Charleville-Mézières et a grandi à Chuffilly-Roche, dans la campagne ardennaise. Verlaine, lui, est arrivé dans la région en 1877, entretenant une relation houleuse avec Rimbaud décryptée au passionnant musée de Juniville.
La route Rimbaud-Verlaine
Ces lieux sont reliés entre eux par la route Rimbaud-Verlaine. Elle s’étend même jusqu’en Belgique, où le couple vivra quelques épisodes violents : Verlaine tirera sur Rimbaud en 1873 et sera condamné à deux ans de prison. Mais la partie française est assez intéressante pour justifier l’escapade, même si une meilleure mise en valeur de l’itinéraire serait bienvenue…
Charleville-Mézières et les crêtes préardennaises
Au sud de Charleville-Mézières, voici les crêtes préardennaises, paysage de forêts touffues et de prés humides, de maisons en briques ou à colombages. C’est dans ce décor que Rimbaud grandit. Le village de Voncq est la première étape de son souvenir. Plusieurs fois, le jeune poète montera ici dans le train pour Paris, où sa prose inédite suscitera admiration et critiques. À la gare, une sculpture de malle en métal, surmontée du nom des villes où le poète voyagea, après avoir arrêté la poésie à 21 ans, évoque sa mémoire.
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Roche, village du souvenir
Au hameau de Roche, à Chuffilly-Roche, il ne reste qu’un pan de mur de la ferme familiale. À la place de la bâtisse où le poète écrivit à 21 ans, au grenier, son plus grand chef-d’œuvre, « Une saison en enfer », se dresse une petite maison. Elle a été acquise en 2017 par la chanteuse américaine Patti Smith, une rimbaldienne inconditionnelle. À côté se trouve le lavoir de Roche, un lieu romantique qui inspira Rimbaud.
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Vouziers, les tourments de Verlaine
Plus loin, voici Vouziers. En 1885, Verlaine y fut condamné à un mois de prison, pour violences à l’encontre de sa mère. Illustration de son âme tourmentée… Le tribunal à quatre colonnes et façade néoclassique porte une information rapportant les faits de cette condamnation.
Coulommes, la ferme Verlaine
Plus à l’est, le village de Coulommes fait entrer dans le parcours ardennais de Verlaine. Il a rompu avec Rimbaud et purgé sa peine de deux ans lorsqu’en 1877, il prend contact avec Ernest Delahaye, l’un des rares amis du poète ardennais. Sans argent et désœuvré à Paris, il a besoin d’un travail. Delahaye lui propose de devenir professeur d’anglais et de dessin à Rethel. Voilà Verlaine, la trentaine, dans les Ardennes. Mais en 1878, son contrat n’est pas renouvelé. Il trouve refuge chez les parents d’un de ses élèves, à Coulommes. Cette « ferme Verlaine », ou ferme de Malval, se trouve au carrefour avec la D987. Privée, elle ne se visite pas.
Juniville, refuge et mémoire de Verlaine
Juniville sera le refuge de Verlaine. Grâce à l’argent de sa mère, il acquiert une ferme dans ce village mais le poète… préfère louer une maison voisine, face à l’Auberge du Lion d’Or. Verlaine y joue aux cartes, apprend des mots de patois ardennais. Ce « café » est devenu l’Auberge de Verlaine, un musée à sa mémoire. On apprend que Verlaine écrivit son premier poème à 11 ans, qu’il eut Louise Michel pour témoin de mariage et qu’il fut communard.
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Les liens éternels entre les deux poètes
On apprend aussi que plus jeune, Rimbaud aurait volé « Les Fêtes galantes » dans une librairie de Charleville, un recueil de poèmes de Verlaine qui lui valait déjà la notoriété. Lorsque l’aîné lut les premiers écrits de Rimbaud, il se serait écrié : « c’est un cristal que je viens de recevoir ». Quittant Juniville, Verlaine rentre finalement à Paris, ruiné, en 1882. Il meurt quatorze ans plus tard, à 51 ans.
Les Ardennes ont été le théâtre des désirs et des souffrances des deux poètes.