

Louis XIV n’a pas toujours eu la vie de château. Son enfance est marquée par la Fronde, cette série de révoltes parlementaires et aristocratiques qui ont failli renverser le pouvoir royal. Le jeune roi n’a rien oublié des barricades ni des humiliations infligées à sa famille.
Résultat : dès qu’il en a les moyens, Louis veut mettre la noblesse sous surveillance rapprochée, et loin de Paris si possible. Un endroit qu’il contrôle entièrement. Versailles, modeste pavillon de chasse hérité de son père, est le candidat parfait pour cette expérience de monarchie mise en scène. Il le veut grandiose, pour afficher la puissance de la monarchie.
Ce jour-là, Louis XIV officialise ce qui était déjà en préparation depuis des années : le gouvernement du royaume s’installe à Versailles. Ministres, intendants, secrétaires, nobles, courtisans, valets, cuisiniers, coiffeurs, petits marquis et grands flatteries, tout le monde suit.
Le château devient le centre du pouvoir, un théâtre géant où chacun joue son rôle devant le souverain. Car à Versailles, tout est rituel : le lever du roi, son dîner, sa promenade, jusqu’à sa mise en chemise — spectacle permanent pour cour figée. Ce n’est pas une vie privée, c’est une performance !
Et pour maintenir tout ce petit monde occupé, tout est mis en œuvre : bals, chasses, comédies de Molière, jardins de Le Nôtre, et surtout étiquette à rallonge. Chaque geste est codifié. Même bâiller sans autorisation devient suspect.
Versailles coûte une fortune, assèche les finances de l’État, et fait suer les contribuables de tout le royaume. Mais pour Louis, c’est un chef-d’œuvre : un outil de pouvoir plus puissant qu’une armée. À travers Versailles, il contrôle l’image qu’il donne, impose son autorité et transforme les nobles en spectateurs de sa propre grandeur.
C’est le triomphe de l’État-théâtre, où le roi règne aussi par la scénographie. Et tout cela commence — officiellement — ce 6 mai 1682. Un jour où la monarchie entre dans sa plus belle salle de bal… avant de finir, un siècle plus tard, sous le couperet d’une révolution.