Aéroports intelligents : l’IA va-t-elle mettre fin aux files interminables ?

13-11-2025
Le marché des aéroports intelligents (smart airports pour les anglophiles) pourrait devenir un nouvel Eldorado. Selon Straits Research, il pèse 3,43 milliards $ en 2024, frôlera 3,93 milliards $ en 2025 et pourrait atteindre 11,62 milliards $ en 2033 !
doha airport
© karim-mokalled

Ces chiffres ne sortent pas du chapeau : ils traduisent une lame de fond alimentée par l’IA, l’IoT (l’internet des objets) et la biométrie (reconnaissance faciale, portiques intelligents, check-in mobile), avec un double objectif : fluidifier le parcours passager et muscler l’efficacité opérationnelle.

Dans le même temps, la demande mondiale continue de pousser les terminaux dans leurs retranchements. Les derniers indicateurs d’IATA et d’ACI confirment une trajectoire haussière du trafic : en août 2025, la demande passagers progressait encore de 4,6 % sur un an, avec des coefficients d’occupation à des niveaux records pour la saison, et ACI projette 9,8 milliards de passagers en 2025 !

Du capteur à gogo pour fluidifier l’expérience

Au cœur du “smart airport”, une mosaïque d’outils : capteurs IoT pour suivre bagages et équipements en temps réel, maintenance prédictive pour éviter les pannes sournoises, orchestration de ressources (portes, passerelles, équipes) dopée à l’IA, et biométrie pour accélérer contrôles et embarquements. La littérature sectorielle, à commencer par le rapport SITA Air Transport IT Insights 2024, montre une accélération nette de l’adoption des identités numériques et des parcours biométriques chez les aéroports comme chez les compagnies. Le rêve ? Un trajet “sans papiers” (ou presque), de l’entrée du terminal jusqu’au siège. Mais on peut encore attendre longtemps…

Et en Europe ?

Toutes les régions n’enfilent pas la même tenue de vol. Le rapport de Straits pointe des disparités régionales : les États-Unis misent sur la vitesse d’exécution et l’investissement massif ; l’Europe privilégie la durabilité et l’excellence opérationnelle, avec des systèmes sobres en énergie, des solutions de mobilité verte et l’optimisation des ressources. L’Asie-Pacifique, portée par l’urbanisation et la montée en puissance de la classe moyenne, court équiper de nouveaux hubs ; le Moyen-Orient investit dans des expériences premium et une sécurité avancée ; en Afrique, l’automatisation gagne du terrain pour absorber une demande en plein essor.

“Plus vert” : promesse ou plan de vol ?

L’intelligence n’est pas que numérique : elle se veut aussi énergétique. Straits insiste : « Les initiatives de durabilité poussent à investir dans des infrastructures écoénergétiques et des systèmes intelligents pour minimiser l’impact environnemental ». C’est encourageant, d’autant que la pression réglementaire européenne et les attentes du public en matière de neutralité carbone ne faiblissent pas. Mais la vraie question, côté piste, reste la mesure d’impact : combien de kWh et de CO₂ réellement économisés ? Trop de projets “pilotes” restent encore… au parking.

Ce qui marche déjà (et ce qui coince encore)

Soyons francs : quand l’IA anticipe un embouteillage au contrôle et redéploie du personnel avant la cohue, ça se voit. Quand la reconnaissance faciale fluidifie l’embarquement, les files s’effritent. Et côté coulisses, la maintenance prédictive réduit les pannes d’équipements critiques (tapis bagages, passerelles). À l’échelle européenne, la hausse continue des volumes internationaux impose ce type d’outillage ; les données d’ACI Europe sur la progression du trafic au premier semestre 2025 vont dans ce sens.

Mais il reste des turbulences :

  • Interopérabilité : chaque aéroport assemble son puzzle technologique, et l’harmonisation transfrontalière progresse lentement.
  • Vie privée : la biométrie suscite des débats légitimes en Europe (RGPD oblige)
  • ROI : tous les investissements ne se valent pas. Sans gouvernance de la donnée, l’IA peut coûter cher pour des gains minimes.

Verdict ?

L’aéroport intelligent n’est pas un gadget marketing : c’est un ensemble cohérent de plateformes de données, capteurs, algorithmes et interfaces qui, bien déployés, raccourcissent les parcours, réduisent les irritants et limitent l’empreinte environnementale. Les besoins de capacité confirment l’urgence : ACI prévoit encore une montée du trafic au-delà de 2025, et les hubs européens ne pourront pas s’agrandir au même rythme que la demande. Automatiser, c’est donc optimiser, pas seulement “high-techiser”. Reste à tenir la promesse : des bénéfices tangibles pour les passagers (temps, confort), mesurés et audités, et des garanties robustes en matière de protection des données. Sans cela, l’aéroport sera “smart” sur la plaquette, moins au portique.