États-Unis : le pourboire remis en question

Julie Docsterd,
23-04-2023
Ce qu’on qualifie de “tip” de l’autre côté de l’Atlantique prend de l’ampleur avec les paiements numériques, à tel point qu’il a même fait son apparition dans des commerces où il n’était autrefois pas demandé.
Blake Wisz

Si vous êtes déjà allé aux États-Unis, vous savez que le “tip” est incontournable. C’est du moins le cas dans l’horeca où sa présence ne fait pas débat. De l’autre côté de l’Atlantique, le pourboire, qui tourne généralement autour des 15 à 20 % du montant total, fait partie des us locaux car il constitue souvent l’essentiel du salaire du serveur. Mais celui-ci peut-il être exigé pour un café à emporter, des courses chez un légumier ou encore pour un bouquet de fleurs ?

Toujours est-il que l’usage du “tip” s’étend, mettant de nombreux Américains dans l’embarras. En effet, si on donne un pourboire, on peut se sentir agacé d’avoir dépensé plus d’argent qu’initialement prévu tandis que si on n’en laisse pas, on peut aussi se sentir coupable mais cette fois vis-à-vis de l’employé…

Trop de pourboire tue le pourboire

Une généralisation du pourboire qui pose de plus en plus problème. Avec un “tip” qui gagne en emprise dans des commerces où il n’était pas demandé, les additions prennent des proportions jamais atteintes. Face à cette situation, des experts ont décidé de tirer la sonnette d’alarme sur le risque de “tip fatigue” (à traduire par la “lassitude du pourboire”). Les Américains, trop sollicités, ne sauraient plus où laisser de pourboire, ni de quel montant. Un phénomène qui, en outre, ouvre le débat sur ce système de rémunération de plus en plus décrié.

Selon Dipayan Biswas, professeur de marketing à l’University of South Florida, cette expansion est en grande partie due aux boîtiers de paiement électroniques devenus omniprésents ces dernières années. Sur ces écrans via lesquels les clients règlent leur note, “les entreprises peuvent mettre beaucoup d’options, dont des pourboires”, explique-t-il. Pour ne pas en payer, le client doit donc cliquer sur l’option “pas de pourboire”. “Cela met les gens mal à l’aise, ils ne veulent pas faire ça”, affirme M. Biswas, qui juge qu’il s’agit dès lors d’une technique de “culpabilisation”.

Sachant que certains commerçants n’hésitent pas à proposer des montants allant jusqu’à 30 % du total, le prix de certaines additions s’envole littéralement ! Le professeur Dipayan Biswas craint que cela ne détourne les Américains du “tip” et ne pénalise les serveurs qui en ont le plus besoin pour gagner leur vie.